Certains films, comme récemment « Sherlock » au Royaume-Uni, sont diffusés quasi-simultanément à la télévision et au cinéma. Arte a tenté l’expérience plusieurs fois. « Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. » La citation de Jean-Luc Godard en dit long sur la frontière entre le petit et le grand écran. Pourtant, les passerelles existent :
- En témoigne « Abominable Bride », l’épisode final issu de la série anglaise « Sherlock ». Le film a récemment cartonné à la télévision, avec plus de 11 millions de téléspectateurs sur BBC1, soit la meilleure audience outre-Manche pendant les fêtes de fin d’année. Mais aussi au cinéma, avec plus de 30 millions de dollars de recettes dans le monde, selon un pointage réalisé à la mi-janvier. Diffusé sur plus de 6.000 écrans dans le monde – dont quelques salles en Grande-Bretagne -, il était en tête du box office chinois, par exemple, pour sa sortie.
- « Sherlock » n’est pas un cas isolé. Netflix, spécialiste de la télévision à la demande sur abonnement (SVoD), avait secoué l’audiovisuel il y a quelques mois en lançant son premier long métrage. « Beast of No Nation », sur les enfants soldats, a été diffusé quasiment simultanément sur grand écran (27 salles aux Etats-Unis) et en SVoD. L’objectif d’une telle diffusion multiécrans ? « C’est avant tout une stratégie promotionnelle, destinée à créer un événement pour une communauté de fans », explique Bertrand Villegas, expert télévision du bureau d’études The Wit. « C’est aussi une façon de donner une plus grande notoriété, une reconnaissance à un film », ajoute Thomas Anargyros, président de l’USPA (Union syndicale de la production audiovisuelle). Par exemple, dans le cas du film sur les enfants soldats, Netflix espérait une nomination aux Oscars – qu’il n’a pas eue.
- Chronologie des médias : Y a-t-il risque de canibalisation ? « Les deux fenêtres peuvent s’auto-alimenter. Pour certains films, les gens sont prêts à payer pour les voir au cinéma même s’ils sont disponibles gratuitement », explique Florence Gastaud, déléguée générale de l’association ARP, qui cite le cas de « Home », un documentaire de Yann Arthus-Bertrand diffusé à la fois au cinéma, à la télévision et sur Internet. Le principal frein aux passerelles entre cinéma et télévision est réglementaire. En France, la chronologie des médias impose de respecter un certain délai entre la sortie en salles et un passage à la télévision. « Mais rien n’empêche, à l’inverse, théoriquement, un téléfilm d’aller sur grand écran. Il faut toutefois pour cela rembourser des aides audiovisuelles, s’il y en a eu, et avoir un agrément spécifique », reprend Florence Gastaud.
- Cela semble assez compliqué dans les faits. « Il y a très peu de films qui sont sur les deux canaux », note Thomas Anargyros. Arte a diffusé plusieurs films ayant une double vie. Par exemple « Le péril jeune », ou, plus récemment (en 2009), « La Journée de la jupe », sorti au cinéma quelques jours après la télévision, ce qui avait fait grincer quelques dents chez les exploitants de salles. Certains avaient même refusé le film avec Isabelle Adjani. Arte France s’est donc engagé, il y a cinq ans, à respecter la nature des oeuvres et le mode d’exploitation rattaché aux conditions de financement.
Source : Les Echos.fr – Par Marina Alcaraz