La Ficam a édité en partenariat avec la CST un document visant à énoncer un certain nombre de bonnes pratiques concernant la sécurisation et la conservation des rushes lorsqu’on tourne une oeuvre à l’aide de caméras DATA. Depuis plusieurs années, les caméras numériques enregistrent les « médias » dès le tournage sur des supports informatiques du type mémoire flash, disque dur… Ces éléments de production et post-production arrivent maintenant sous forme de fichiers chez les différents prestataires. Cela nécessite de changer les habitudes de fabrication des professionnels, notamment en matière de sécurisation et d’archivage des éléments de tournage et de post-production sur l’ensemble du processus :
Face à ces nouvelles pratiques encore mal définies, il nous a paru nécessaire de réaliser un guide identifiant le plus clairement possible les bonnes pratiques en la matière, afin que les oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques soient réalisées en limitant les risques de sinistres et demeurent pérennes jusqu’à leur diffusion et au-delà.
Un temps et un technicien dédiés à la sauvegarde des rushes :
Avec l’arrivée des caméras numériques qui enregistrent les images et les sons directement sur des supports informatiques, de nombreuses équipes de production pensent à tort que :
1 – Plus de bobines film à charger ou décharger, cela libère un poste de travail
2 – Plus de développement, le laboratoire devient inutile
Les professionnels des industries techniques de la création représentés par la Ficam et la CST considèrent qu’il s’agit d’une erreur d’appréciation à court, moyen et long terme. La gestion des « rushes numériques » doit demeurer absolument une étape sous la responsabilité d’un technicien spécialiste présent ou proche du lieu de tournage. Les rushes doivent être déchargés avec la même rigueur et précaution qu’il existe pour la pellicule argentique. Un risque de perte irrémédiable des « rushes numériques » existe avec l’utilisation des caméras « Data ». Par exemple, l’unique sauvegarde des fichiers sur simple carte compact flash ou disques durs autoalimentés par la caméra, induit un risque de dommage irréparable des données si le support de stockage subit une avarie. Il est impératif à la fin de chaque journée de tournage, de sauvegarder les rushes sur un support fiable et pérenne, comme un ensemble de disques durs sécurisés et/ou sur une cartouche informatique de type LTO, qui enregistre les données sur une bande magnétique Et ce, durant toute la 1ère période de vie des rushes, d’environ 3 ans.
Le laboratoire est pour les ayant droits la solution adaptée pour effectuer ce type de sauvegarde, car il déléguera, si besoin, cette tâche à un technicien sur place en cas d’éloignement trop important du lieu de tournage. S’assurer du haut niveau de sécurité et de fiabilité du support de sauvegarde utilisé. En cours de tournage, il est d’ailleurs conseillé d’utiliser des solutions de « back-up » sécurisé permettant de vider plusieurs fois par jour les images embarquées dans les caméras. Ces enregistreurs viennent dupliquer les rushes couchés sur les cartes mémoires ou sur les disques embarqués. Les cartes P2 ou SXS sont des stockages court termes beaucoup plus fiables que les disques durs.
Des anomalies peu visibles :
Lors des tournages DATA, des fichiers peuvent être corrompus sans que les systèmes informatiques n’aient détecté d’anomalies lors du transfert des rushes de la caméra vers le système de post-production. Il est donc nécessaire de vérifier l’intégrité informatique de la copie numérique «bit à bit». Une étape de visionnage et de contrôle qualité des rushes est également l’occasion de vérifier les éventuels défauts de prises de vue (flou, perches dans le champ…) et qui feront l’objet d’un rapport «laboratoire» quotidien pour le chef opérateur. Dans le cas d’un tournage à l’aide d’une caméra DATA, il est recommandé d’utiliser des supports d’archivage numérique tels qu’un disque dur amovible alimenté de manière autonome par rapport à la caméra, voir d’un système de sauvegarde sécurisé en mode Raid 5 (ou Raid 6) . Toutefois, il faut savoir qu’un serveur quel qu’il soit n’est pas un système d’archivage à long terme. C’est pourquoi, chez un prestataire, postproducteur ou laboratoire, il est généralement possible de stocker les rushes à long terme sur une ou plusieurs cartouches informatiques de type LTO, (Support de stockage informatique standard des équipements de laboratoires et de postproduction du marché).
Le choix de stockage sur disque dur apporte un certain nombre d’avantages pratiques lors du tournage (vitesse d’écriture et de lecture, stockage important, partage des données en vue d’un montage collaboratif…), mais il comporte à long terme des risques et des contraintes techniques lourdes liées au risque élevé de défaillance mécanique en relecture. De même, nombre de DVD gravés ne sont plus lisibles après quelques mois, voire une année.
Archivage sur une cartouche informatique interopérable en sortie de postproduction. Les assureurs spécialisés dans les risques liés à la production cinématographique ou audiovisuelle souhaitent que les présentes recommandations de bonnes pratiques mises en place par la CST et la Ficam et notamment l’obligation faite au producteur de réaliser une double archive de ses rushes sur cartouche informatique interopérable en fin de production et/ou de postproduction, soit une condition de la couverture pleine et entière de la garantie du producteur en cas de pertes des données numériques liées à un « accident » survenu lors du tournage ou de la postproduction.
A ce titre, la Ficam et la CST préconisent de procéder à une double sauvegarde sur deux cartouches LTO qui seront situées à deux endroits différents, afin d’assurer la possible reconstruction du média en cas de perte d’une partie des archives numériques.
Règles et formats d’archivage conformes au workflow en cours de post-production :
La sauvegarde au quotidien des rushes en cours de postproduction est une tâche dévolue à votre laboratoire ou prestataire de post-production. Les méthodes de sécurisation de ces rushes doivent s’effectuer quotidiennement au minimum sur des serveurs RAID et de préférence sur cartouche informatique de type LTO. La cartouche informatique est, tout comme au niveau de la production, un mode de stockage qui garantit de pouvoir revenir au « négatif numérique » en cas d’accident sur les serveurs de fabrication du prestataire. Pour des raisons de rapidité d’accès aux médias et de souplesse de manipulation de ceux-ci, les postproducteurs et laboratoires disposent généralement d’outils de sauvegarde propriétaires permettant de stocker les rushes dans le format natif de la caméra ou du workflow de postproduction (Raw, DPX, XD-CAM, DnxHD, ProRes…). Toutefois, le prestataire technique de postproduction doit être capable dans un délai raisonnable de faire une copie de ses backups quotidiens vers un support physique informatique standard.
Archivage sur une cartouche informatique interopérable en sortie de postproduction
En sortie de postproduction, il est préconisé de faire une sauvegarde sur un support d’archivage disposant d’un maximum d’interopérabilité et selon une méthode qui permettra d’identifier les différents fichiers constitutifs de la sauvegarde. Compte tenu de la multiplicité des procédés de compression employés aujourd’hui dans la filière post-production, il n’est pour l’instant pas envisageable un format d’échange unique des fichiers d’archives. En revanche, l’emploi d’un même processus d’archivage pour chaque production est fortement recommandé. Et, il appartient également à la société de post-production ou au laboratoire d’assister son client en lui assurant un format d’échange avec des tiers.
> Aspects juridiques et réglementaires
Une norme AFNOR pour les archives. L’Association Française de Normalisation (AFNOR), a instauré la norme NF Z 42-013 visant à créer un « état de l’art » en la matière. Il s’agit d’une norme homologuée (NF), dont la nouvelle version a pris effet le 4 mars 2009. Cette norme énonce les mesures techniques et organisationnelles devant être adoptées par les professionnels pour l’enregistrement, le stockage et la restitution de données, afin d’en assurer la conservation et l’intégrité. Elle concerne notamment les documents numériques audiovisuels. En cas de litige relatif à la conservation des archives, l’archivage électronique réalisé dans le respect de cette norme peut permettre d’apporter des garanties du respect de ses obligations par le tiers archiveur. La norme NF Z 42-013 est en cours de certification à l’échelon européen. Dans la partie Processus de Capture des archives, cette norme définit les points suivants à propos des documents audiovisuels : … « De manière générale, les documents sonores ne doivent faire l’objet d’aucune compression avec perte. Pour les documents vidéo, au regard des volumes de stockage requis et des débits disponibles pour les diffuser, il est nécessaire actuellement de procéder à une compression avec perte. Dans le cadre de la série des normes MPEG, le groupe de travail ISO/IEC JTC 1/SC 29 élabore les normes de codage numérique audio et vidéo de référence. Ces normes ont pour objectifs d’éviter l’usage de formats propriétaires et de favoriser les échanges d’informations. Une gamme étendue de normes de différents taux est actuellement proposée . Il convient de mettre en oeuvre les caractéristiques de la compression (profil et niveau) telles qu’elles n’affectent pas sensiblement la qualité de l’information restituée relativement à la qualité de l’oiriginal »…
> Le tiers archiveur :
Lorsqu’un producteur confie l’archivage d’une oeuvre et de ses éléments de production à un prestataire tiers, l’obligation qui pèse sur ce tiers archiveur correspond, le plus souvent, à une obligation de moyen. Cependant, et selon les clauses visées au contrat, il peut s’agir d’une obligation de moyen renforcée. En toute hypothèse, le producteur, le distributeur ou l’ayant-droit d’une oeuvre doit s’assurer que le contrat prévoit tant les conditions de numérisation des données, que les garanties offertes en matière d’intégrité de ces données.
De manière générale, l’établissement du contrat se découpe en trois étapes. La première consiste en la préparation « d’une politique d’archivage » visant à détailler le processus de conservation des données. La deuxième correspond à l’élaboration d’une « déclaration de pratique d’archivage (DPA) » venant préciser les moyens qui seront mis en oeuvre pour atteindre les objectifs visés à l’étape précédente.
Enfin, la troisième étape s’entend de la rédaction du contrat d’archivage. A l’occasion de ce contrat, le prestataire garantit au client :
– le respect de l’intégrité du document d’origine ou de la fidélité des copies des documents originaux
– la traçabilité (capacité à suivre les phases de constitution et consultation des documents)
– la durabilité, également appelée pérennisation (conservation pendant de longues périodes)
– l’accessibilité (facilité d’accès aux documents)
– la disponibilité (facilité de récupération des documents)
– la qualité de la restitution des données
– le nombre d’exemplaires conservés
Le Saviez-vous ?
Les garanties matériels constructeurs sont généralement de 3 ans, extensibles de 2 ans et sous réserve de décision dès l’achat et d’un surcoût important. Or un système d’enregistrement de données basé sur un serveur doté de carte contrôleur et de grappes de disques durs spécifiques à la configuration initiale de stockage ne fonctionnera sous garantie que tant que les pièces détachées strictement de même série seront disponibles (cela explique le prix élevé des pièces détachées de serveurs de stockage). Le plus souvent, l’utilisateur précautionneux sera donc dans l’obligation de réinvestir rapidement et de migrer ses médias de manière préventive pour ne pas risquer d’être taxé d’imprévoyance. C’est pourquoi les unités de stockages actives basées sur des serveurs ne peuvent être considérées comme des unités d’archivage pérennes.
Glossaire Le TAR :
Un format interopérable Avant même le tournage, les méthodes de relecture des éléments d’archive des rushes en cas de perte totale ou partielle doivent être clairement identifiées par l’équipe technique de production. Les rushes doivent notamment être organisés à l’intérieur du support de sauvegarde et pouvoir s’interfacer avec une solution client-serveur (via un système d’indexation) ou bien être hiérarchisés s’ils sont sur un disque dur. De la même manière qu’on a fait du HD-CAM ou HD-CAM SR un support d’échange pour les Prêts A Diffuser, l’archivage sur cartouche informatique du type LTO ou équivalent doit s’effectuer en suivant un principe de commande de lecture standardisé, afin d’assurer un maximum d’interopérabilité des archives par la suite. La commande de type TAR est la plus utilisée à ce jour pour rassembler plusieurs fichiers en un seul dédié à l’archivage. Le TAR a le mérite de préserver les informations système des fichiers d’origine tels que le nom de l’utilisateur, les permissions d’accès, les dates et la structure du répertoire. D’autres formats équivalents existent comme le CPIO.
Source : Ficam