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Sony : Garder une longueur d’avance sur le marché de la production 3D

Mark Grinyer, responsable du développement commercial de la production en direct sur le segment 3D et événements sportifs, nous parle de Wimbledon, de la Coupe du monde de football et de l’avenir de la production 3D. Mark Grinyer révèle comment rester en avance sur son temps et comment exploiter les innovations technologiques pour produire des contenus de manière nouvelle. Parlant des difficultés rencontrées sur le Court central de Wimbledon ou des avantages des nouvelles technologies, Mark nous éclaire un peu plus sur les sérieux défis de l’industrie de la 3D :

. En fait, pour la 3D à Wimbledon, Sony est le diffuseur hôte :
Pour commencer, veuillez vous présenter et expliquer votre rôle au sein de Sony.
Je travaille dans l’équipe de production live chez Sony. Je m’occupe de la diffusion en direct et du développement commercial sur le segment des événements sportifs. Pour cela, je travaille sur des propositions de production 3D live pour le sport et sur des solutions DAV (Data Augmented Video). Le DAV est un système qui permet d’afficher une vue panoramique du terrain de foot et de remontrer les actions très rapides sur le terrain.
C’est un rôle vraiment intéressant. Au cours des deux dernières années nous avons développé un marché dans le secteur de la 3D s’élevant à près de 18 millions d’euros et nous avons également géré plusieurs événements de prestige. Parmi ces événements phares, il y a la Coupe du monde FIFA de 2010 en 3D, la Ryder Cup de golf en 3D en collaboration avec Sky et la finale de la Ligue des champions en 3D avec Sky également.
Citons également le tournoi de Wimbledon en 3D pour la BBC, pour lequel je suis le producteur. Sony détient les droits de production pour la 3D à Wimbledon et nous sommes en train de mettre en place l’équipe de production dédiée au marché de la 3D. En fait, pour la 3D à Wimbledon, Sony est le diffuseur hôte.
En ce qui concerne les autres événements, nous travaillons en partenariat avec HBS pour la Coupe du monde de foot ou avec Sky pour la Ligue des champions. Nous travaillons également avec d’autres entreprises en Europe pour diverses rencontres sportives telles que le Bundesliga en Allemagne.
Quels ont été pour vous les derniers développements clés en 2011 ? D’abord au niveau de vos responsabilités dans le domaine des événements sportifs, mais aussi de manière plus générale dans le secteur de la production live ?
Je pense que l’industrie dans son ensemble ne peut pas échapper à l’explosion des iPad, des tablettes numériques et des smartphones. Il y a deux cas de figure. Le premier cas de figure concerne les personnes qui sont en déplacement et qui veulent regarder des contenus. Pour ces personnes, Sky, par exemple, offre des services « mobiles ».
Le deuxième cas de figure est probablement le plus intéressant et c’est là où Pulse (société sœur de Hawkeye) joue un rôle clé. Cela implique la génération d’un « deuxième écran ». L’idée est de regarder le match sur son poste de télévision où le deuxième écran donne des informations contextuelles sur ce qui se passe sur le terrain tout en faisant intervenir les réseaux sociaux. Je pense qu’il s’agit d’un développement important car les diffuseurs sont intéressés par les avantages que cela apporte.
Avec ce système, lorsque vous regardez une partie de tennis par exemple, vous pouvez revoir les actions et obtenir des informations sur les joueurs. La diffusion traditionnelle est enrichie par des informations tactiques ou éditoriales provenant des systèmes de données sur le terrain. Désormais, le téléspectateur bénéficie d’options d’informations variées et n’est plus limité à ce que le diffuseur choisit de lui montrer.
A cela viennent se greffer les réseaux sociaux. S’il y a des conversations Twitter en cours, vous pouvez les lire à l’écran et y prendre part parallèlement à la transmission normale du programme.
Il faut bien comprendre que ce système ne diffuse pas les images sur un dispositif différent, il ne fait qu’amplifier et enrichir le contenu. Avec le boom des tablettes numériques, il s’agit d’une nouveauté fondamentale qui est apparue sur le secteur des retransmissions sportives cette année.
Plus généralement, la 3D continue de progresser et bénéficie de méthodologies et de workflows de production plus efficaces et évolués. Les diffuseurs n’hésitent pas à tester différentes solutions de service pour le consommateur autour de la 3D. Les jeux vidéo en 3D prennent eux aussi de l’ampleur et il sera intéressant de voir comment ce marché va évoluer.
Cependant, nous souhaitons tous que les lunettes 3D disparaissent… mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Aujourd’hui, on constate une nette stabilisation de nos activités 3D. Nous construisons un quatrième car pour Telegenic, notre septième car à ce jour. Il existe une réelle perspective à long terme pour la 3D au-delà du sport et de l’événementiel. Bien sûr, on aimerait savoir si la 3D s’appliquera un jour aux news.
Selon vous, est-ce quelque chose que les diffuseurs considèrent sérieusement, la 3D dans tous les domaines et pas uniquement pour les événements spéciaux ?
C’est une question intéressante. Indéniablement, il y a un marché pour le sport et il y a un marché pour le divertissement, comme les concerts ou les spectacles. Nous travaillons avec la BBC sur des émissions comme Strictly Come Dancing (une émission de danse de salon avec des célébrités) et The Antiques Roadshow (dans cette émission, des experts évaluent des objets de famille anciens).
Ce qu’il faut étudier c’est la manière dont ces émissions sont regardées. Par exemple, Strictly Come Dancing en 3D a rempli des salles de cinéma et ça a très bien marché. Il est important de voir si le fait de regarder une émission chez soi vous donne le même plaisir que de la regarder au cinéma. De même, pour Wimbledon, les spectateurs semblent apprécier le fait de partager une expérience cinématographique plutôt que regarder les matchs chez eux dans leur coin.
Si les images 3D sont de bonne qualité et si vous appréciez la convivialité au cinéma, vous vivrez une expérience plus immersive. A la maison, le deuxième écran peut poser problème car les personnes surfent en même temps sur le Net et sont déconcentrées, ce qui nuit à l’aspect immersif de l’expérience.
Pouvez-vous nous parler des projets qui se sont révélés particulièrement mémorables ou difficiles ?
Je peux déjà citer les deux événements sportifs de l’année dernière. Evidemment, c’était la première fois que Sony assumait la responsabilité de diffuseur hôte pour la 3D à Wimbledon et c’était aussi la première fois que la 3D était utilisée pour ce tournoi.
Nous nous sommes appliqués à créer une solution cinématographique spécifique
Du point de vue du workflow, nous maîtrisons bien la production 3D mais le plus grand problème était d’installer physiquement les caméras 3D sur le Court central. Etant un site historique de petite capacité (11 000 places), nous devions faire attention de ne pas déranger les visiteurs qui avaient payé leur place. De plus, nous voulions obtenir des prises de vue différentes de celles utilisées traditionnellement en 2D. Il a fallu donc engager de délicates négociations sur l’emplacement des caméras pour arriver à un résultat acceptable pour tout le monde.
L’autre défi vraiment intéressant concernait la retransmission pour les salles de cinéma et pour la télévision. Il a fallu séparer les installations de mixage audio pour la télévision et de celles pour le cinéma en raison de différences dans les spécifications. Nous nous sommes appliqués à créer une solution cinématographique spécifique pour proposer une expérience la plus convaincante possible.
L’autre grande réalisation fut notre collaboration avec la BBC pour arriver à transmettre la 3D par voie terrestre. Jamais personne n’avait transmis des contenus 3D par réseau terrestre. Ce fut un défi très stimulant. Le plus facile, ce fut d’installer et de tester les équipements sur le Court central. Par contre, le travail concernant l’exploitation du réseau de transmission fut bien plus compliqué.
Quels sont les événements que vous aimeriez couvrir et dont vous pensez que la technologie de Sony pourrait vraiment avantager ?
Il y a deux ou trois événements que nous mentionnons toujours. Le premier est le Red Bull X Fighters (la version extrême du motocross de Red Bull qui se déroule dans des lieux emblématiques à travers le monde) car nous pensons que c’est un spectacle idéal pour la 3D. Jusqu’à présent, nous ne sommes pas parvenus à matérialiser ce projet.
Nous aimerions également consolider notre engagement auprès de la FIFA. Nous aimerions couvrir la Coupe du monde de football féminin et la Coupe d’Afrique des Nations, afin de montrer ce que nous pouvons faire sur le long court dans ces domaines.
L’industrie progresse extrêmement rapidement avec sans cesse de nouvelles innovations. Que faites-vous pour évoluer et que pensez-vous de l’avancée inexorable de la technologie ?
Très bonne question ! Ce n’est vraiment pas facile. Parfois, j’ai l’impression de n’arriver à rien car cela bouge tout le temps !
Il y a deux écoles. Vous pouvez rester au courant des innovations en gardant un esprit intéressé et curieux. Ou vous pouvez aussi essayer de comprendre les réels besoins en terme de production. Souvent, une idée paraît bonne mais lorsque vous la mettez en œuvre, elle n’apporte rien de plus.
Au bout du compte, tout ce que vous faites doit être en rapport avec le consommateur qui doit, dans son fauteuil, chez lui, passer un bon moment devant sa télévision. Nous devons lui proposer des contenus qu’il n’a jamais vu auparavant. Les projets les plus fructueux sont parfois les moins sophistiqués technologiquement.
Toute la technologie réside au niveau de l’opérateur mais en prenant la technologie en charge, Sony facilite la tâche de l’opérateur pour qu’il se concentre sur le contenu. Notre priorité et de faciliter le déploiement technologique de façon à mieux raconter une histoire. Il est essentiel de comprendre les intentions des producteurs et de pouvoir les assister à les réaliser.
La technologie qui nous intéresse en ce moment est le Data Augmented Video (DAV) qui permet d’obtenir une vue d’ensemble d’un terrain de football. Cette vue aide à mieux suivre les mouvements de la défense tout au long du match.
La caméra Sony PMW-TD300 permet de tourner à la fois en 2D et en 3D
La vraie question est de savoir comment présenter les commentaires des experts aux téléspectateurs. La solution, c’est la diffusion des informations en direct sur un deuxième écran.
. En ce qui concerne le reste de l’année 2012, quels sont à votre avis les autres événements clés ?
Nous allons à nouveau travailler sur Wimbledon. C’est un événement clé pour nous. Il y a aussi des événements dont je ne peux parler en détail mais qui auront rapport avec la Reine !
Après ça, nous aimerions participer à de nouveaux événements et nous étudions en ce moment ce qui pourrait marcher. Nous essayons de concevoir des projets novateurs susceptibles d’intéresser le public.
Le challenge est de couvrir ce que nous savons déjà bien faire et de manière plus économique puis d’innover pour les nouveaux événements.
. Quels seront les développements clés en 2012, en termes de technologie, de produits, etc. ?
Plusieurs projets sont en cours. Tout d’abord, nous avons toujours travaillé avec des caméras spécialisées. Cette année, nous produirons un véritable caméscope professionnel 3D. Samsung a déjà conçu un équipement de la sorte mais il ne présente pas toutes les fonctionnalités adaptées à un système Steadicam. La version de Sony, le PMW-TD300, est une caméra entièrement Steadicam qui permet de filmer en 2D comme en 3D. Il est possible de la contrôler depuis un car régie et selon moi, c’est une caméra vraiment intéressante car vous pouvez l’utiliser comme une caméra normale. Petit à petit, la technologie 3D va se fondre dans le car régie.
L’autre développement est la possibilité d’enregistrer un plus grand volume de contenus 3D. C’est un domaine passionnant : mettre la technologie 3D à égalité avec la 2D et l’utiliser de la même manière qu’avec les contenus en 2D.
Il y a aussi un besoin de dispositifs (serveurs) entre l’infrastructure de diffusion et celle informatique. Donc, avec le deuxième écran, vous pouvez exploiter les données fournies par vos séquences vidéo et les utiliser de manière utile. Nous créons des dispositifs qui relient et servent de référentiels à ces deux mondes. Il est ainsi possible de présenter au téléspectateur la vidéo et les informations en même temps.
. Quels sont les changements qui auront un impact sur la manière dont les contenus sont produits ?
On a parlé du deuxième écran mais il y a aussi un tas de changements en termes de production multicanaux pour les diffuseurs. Cela consiste à produire du contenu pour les diffuseurs, du contenu pour les écrans géants dans le stade, du contenu pour les cinémas et du contenu pour le Web.
Il y a aussi la diffusion de contenus DAV directement dans les foyers. Il ne s’agira pas simplement d’un contenu provenant d’un dispositif de type Hawkeye permettant de revoir les images mais plutôt une image à la télévision avec superposition des informations. Il est aussi possible d’intégrer Twitter et Facebook au programme diffusé. Les votes, les commentaires, etc. qui sont aujourd’hui possibles par téléphone seront intégrés au programme que vous regardez sur votre poste de télévision.
Via ces canaux, on verra peut-être des programmes dont le contenu est influencé par l’audience.
Ce qui changera également c’est l’utilisation des contenus par les consommateurs. L’industrie se penche sur les autres médias de diffusion, comme le Web ou d’autres plateformes. Pour les rencontres de type Coupe du monde de football, verra-t-on une différence entre le contenu diffusé en direct et celui retransmis par des services de rattrapage ?
La teneur des contenus va augmenter et la portée de la diffusion sera plus vaste. Pour les services de production, cela veut dire soit accroître les budgets, soit simplifier la technologie.
. Quelles seront les nouveautés de Sony Professional au cours du salon NAB de 2012 ?
Une annonce sera faite mais je ne peux malheureusement rien vous dire !
Dans l’ensemble, nous commencerons à voir des outils qui faciliteront la diffusion des images et qui auront un immense impact sur la production d’événements, surtout ceux qui se déroulent dans les stades et les salles de concert.
De plus, les applications 4K s’élargiront à d’autres domaines. Jusqu’à présent cette technologie se cantonne au cinéma mais elle sera de plus en plus utilisée pour des applications plus générales.
Un plus grand nombre de disciplines sportives voudront enrichir et compléter les retransmissions en direct. La combinaison site Web dédié/retransmission en direct est dépassée. Les modèles Hawkeye/d’acquisition de données seront de plus en plus utilisés.
Selon moi, il y aura une vraie convergence entre le contenu diffusé et le contenu en ligne.
. Pouvez-vous nous donner vos pronostics de nouvelles tendances pour 2012 ?
Selon moi, c’est un véritable casse-tête : dans les deux années à venir, je pense qu’une société qui détient les contenus et qui fabrique des batteries peut dominer le marché. Oubliez les iPads et les iPhones. Ce sont des produits qui se démodent. Par contre, si vous fabriquez les batteries pour les équipements qui permettent aux consommateurs de regarder les contenus quand ils le veulent, et si en plus vous détenez ces contenus, alors pour serez maître sur le marché.
C’est justement ce qui est en train de se produire. Sony s’est lancé dans la production de contenus depuis des années mais Apple et d’autres marques n’en sont qu’à leur début.
Par ailleurs, je me demande si les services d’abonnement comme ceux de Sky continueront à fonctionner. Je pense qu’il serait plus lucratif de faire payer l’accès aux contenus « à la carte ». Nombreux sont les amateurs de sport qui souhaitent acheter des programmes en fonction du type d’événement et qui ne souhaitent pas être soumis à un abonnement restrictif. Ces diffuseurs passent à côté des consommateurs qui aimeraient regarder simplement un match ou deux.
Avec l’arrivée de Netflix en Europe, un nouveau marché s’ouvrira pour les personnes qui sont prêtes à payer pour des contenus d’archive, alors que jusqu’à présent, ce service est gratuit. Cela s’appliquera au sport mais aussi aux films et aux programmes télévisés.

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