Qu’ils soient Lumière nitrate ou d’aujourdh’ui, tous les films ont un jour besoin d’un lifting. D’abord, comme pour toute oeuvre d’art, par simple souci de sauvegarde pour les générations futures, mais aussi histoire de leur donner un « coup de jeune » afin de continuer d’attirer les foules.
Les Archives du film du Centre National de la Cinématographie (CNC) de Bois d’Arcy ont récemment reçu six grosses boîtes à biscuits, cadeau d’un ancien sanatorium de Lyon. Ces boîtes contenaient des films Lumière entreposés chacun dans leur petite boîte métallique d’origine. Un tel arrivage est courant à Bois » d’Arcy. Depuis 189S, négatifs et copies ont été ; dispersés dans le monde entier.
Ainsi, le négatif original de La grande illusion a par exemple été retrouvé en Russie, et des films français datant de 1910 sont attendus en provenance d’Australie d’une semaine à l’autre. Le mythe du chef d’oeuvre oublié dans un grenier n’est pas loin, et c’est grâce à quelque huit mille enquêtes lancées chaque année que les Archives parviennent à localiser les films manquants, dont certains sont déjà sur place mais pas encore identifiés. Bois d’Arcy détient ainsi déjà deux cent cinquante mille bobines de films (longs et courts, documentaires, pubs…) tournés sur du nitrate de cellulose, un support inflammable toxique et interdit de circulation depuis 1954, soit presque toute la production française de 1895 à 1954. Il reste encore trois mille boîtes à ouvrir, et tous ces films seront restaurés pour 2005, date butoir du « Plan Nitrate » lancé en 1991 par le ministère de la Culture, visant à sauver ces pellicules de leur inéluctable décomposition. Les films plus récents, sur support acétate, ne sont pas non plus épargnés. L’humidité fait gonfler la pellicule qui dégage alors une odeur de vinaigre. Les Archives possèdent six cent mille de ces bobines acétate. Au total, près de cent mille titres sont ainsi entreposés.
Avec le temps et l’usage, les films subissent toutes sortes de détériorations : perforations agrandies ou arrachées, support déchiré ou plié, face gélatinée rayée ou moisie… Une restauration est longue et juteuse : trois mois et jusqu’à deux cent mille francs pour un long métrage noir et blanc muet. L’argent avancé par les Archives du film du CNC (sur un budget annuel de 44 millions de francs) est en partie remboursé par l’ayant-droit du film grâce aux éventuelles retombées commerciales (ressortie en salles, édition vidéo, diffusion télé).
La restauration commence par une identification du film. Les premiers documents filmés comprenaient rarement titre et générique, mais les pellicules étaient datées. Pour le reste, les Archives ont leur bibliothèque et s’adjoignent l’aide d’historiens ou de cinémathèques. Un analyste-cataloguiste rassemble alors tous les éléments collectés : négatif original, positif, copies d’exploitation, bande-son… Il prend le document le plus ancien et le complète si nécessaire avec des bouts des autres éléments, puis confie son puzzle au chef monteur qui prépare les bobines, l’étalonneur prend le relais. Image après image, il accentue ou diminue la lumière afin d’homogénéiser la densité des plans. Ces données, enregistrées sur disquette, commanderont les variations jmineuses au moment du tirage. La surface de la Pellicule est ensuite traitée afin d’en supprimer tous les défauts : polissage et dépolissage pour adonner au support sa texture initiale, gonflage pour combler les rayures dans la gélatine… Le film est prêt pour un tirage. Quel que soit le format du film original, chacune de ses images est alors photographiée sur un négatif vierge de 35 mm qui sera développé. Si le film est sonore (les Archives du film du CNC sous-traitent la restauration du son), l’image est synchronisée avec le son au cours d’un nouveau montage. Suit ensuite un autre tirage combinant image et son, puis le développement. Ce processus de restauration traditionnelle dure trois mois. Autant qu’une restauration numérique, petite sœur de la première. Deux méthodes à la fois concurrentes et complémentaires.
Depuis trois ans, les laboratoires Eclair d’Epinay restaurent les longs métrages grâce au numérique : la série des Fantomas, L’as des as et dernièrement Le sauvage ont ainsi bénéficié d’une remise à neuf en bonne et due forme. Les techniciens interviennent dans ce cas directement sur le négatif original : les plans abîmés sont détectés après projection et réparés sommairement (un bout d’adhésif consolide une déchirure), puis démontés du négatif original et remontés bout à bout pour être scannés image par image et stockés sur disque dur. Pour vous donner une idée, il faudrait sept disquettes pour contenir toutes les informations d’une seule image, et certains plans contiennent plus de deux cents images. Une fois l’image sur l’écran de l’ordinateur, la magie peut commencer Pour faire disparaître taches et rayures, il suffit de sélectionner une image qui n’est pas abimée et d’en relever les pixels afin de les cloner sur les défauts de l’image détériorée. Chaque défaut est ainsi « peint » un à un, et ce sur chaque image. Il existe bien un logiciel qui fait ça automatiquement, mais s’il doit combler toutes les taches blanches d’une image, il colore aussi les dents des acteurs ! Une autre méthode consiste aussi à superposer une image abimée sur une image qui ne l’est pas et de gommer déchirures et bouts de scotch en révélant les pixels intacts qui se trouvent en dessous. L’image ressort alors comme neuve. Cette technique a cependant ses limites en cas de mouvement des personnages ou de la caméra, car tous les éléments de deux images qui se suivent n’ont alors plus les mêmes dimensions ou les mêmes positions sur l’image. D’où la mise au point d’un autre logiciel qui va, en analysant le mouvement, entièrement recréer une image à partir des deux précédentes et des deux suivantes. Un procédé très utile pour une image trop abimée ou simplement manquante.
Les images ainsi nettoyées sont transmises au Solitaire 3, une belle mécanique qui lit les données numériques et refait une prise de vue de chaque image sur un négatif vierge qui est développé et étalonné. Les plans neufs fraîchement tirés sont montés sur le négatif d’origine, l’étalon-neur intervient à nouveau pour homogénéiser la densité de l’ensemble puis une copie de sécurité est tirée, ainsi qu’un master vidéo. Tout est alors fin prêt pour une diffusion télé ou une sortie vidéo. Traditionnelle ou numérique, ces techniques de restauration ont le même but : permettre aux cinéphiles de toujours et à ceux du futur d’admirer des oeuvres d’art que l’on voudrait immortelles. Un beau métier, n’est-ce pas ?
Source : (Cinechronik) – Octobre 2008
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