Rétro-scoop

Nouvelles du passé, compréhensions nouvelles :
Alain Derobe l’histoire en 3D d’ Astérix 4 :

De retour du tournage d’Astérix où il a supervisé la mise en relief du film, Alain Derobe nous dévoile un peu de sa recette…
Un petit groupe de stéréographes gaulois s’est aventuré en pays étranger pour soutenir l’honneur du cinéma Français 3D, et même en un sens le flambeau Européen. Associant les aventures qui se déroulent à la fois chez les Bretons et chez les Normands, toute l’équipe de Laurent Tirard s’est retrouvée en… Hongrie puis en Irlande dans les somptueux décors créés par Françoise Dupertuis.
Animés de la fougue consécutive aux nombreuses découvertes du tout nouveau langage cinéma 3D, les stéréographes devaient soudain respecter un récit imaginé en 2D par les auteurs de la bande dessinée tout en lui donnant du volume ! Légitime, mais que faire ? Devenir des trublions ou s’adapter?
Comment ce qui a été conçu dans la minceur du papier et d’une scénarisation linéaire, allait-t-il pouvoir se gonfler et épaissir sans trahison, dans la douceur et la discrétion d’un tournage feutré?
C’est en réalité le langage 3D et ses méthodes qui se sont pliés aux situations 2D, mais le langage 3D pouvait-il être assez malléable pour cela? Comment cette « courbure de l’espace plat  » a-t-elle pu s’opérer? Quelques menhirs et quelques Romains venant atterrir au dessus du public justifient-ils à eux seuls le choix du relief ? Certainement pas ! Certes, personne ne songe à les empêcher de suivre leurs amusantes trajectoires traditionnelles avec bonheur, mais de toute évidence le véritable intérêt du relief réside bel et bien ailleurs.
Les comédiens sont déjà des poids lourds. Ceux-là même à qui il suffit seulement d’apparaître pour qu’une présence énorme envahisse l’écran et le spectateur. Etait-il réellement indispensable de leur ajouter du volume ?
En réalité la 3D a déclenché encore un formidable surcroît de présence, démultipliant la crédibilité de l’histoire et surtout générant de l’émotion. Car c’est bien sur ce sentiment que joue Laurent Tirard : Une émotion ironique… Nous n’en dirons pas plus…
Sauf que les situations mises en place se sont révélées très propices au style de relief que justement nous préconisons. Aussi ce qui paraît à l’écran, ce n’est plus seulement l’image des costumes (Pierre-Jean Larroque) et des décors, des apparences et des reconstitutions, ils sont vraiment là en volume, massifs, palpables, à portée de la main, et leur richesse qui serait probablement passée inaperçue en 2D, vaut bien tous les efforts dépensés par les producteurs.
Nous n’étions pas sûr de notre choix jusqu’aux projections témoin, d’une partie du film sélectionnée par la serpe d’or de la monteuse Valérie Deseine qui a choisi de monter en relief. Elles ont confirmé que le spectateur participe tellement à l’action que les plus humbles comme les plus célèbres étaient tentés, après la vision en 3D, de se tutoyer comme si tous étaient de vieilles connaissances ! Comme si, ce qui a été vécu à l’écran, l’avait été l’instant d’avant avec la participation active du spectateur ! Nul doute alors que les spectateurs participeront aussi (à partir d’octobre 2012), mais avant cela il reste encore quelques trucages à finaliser chez Duboi.
Il se confirme en tout cas que la vocation du relief est avant tout d’être au service des personnages humains, de leur anatomies, de leurs attitudes, de leurs expressions, et que mettre en relief l’émotion est la véritable destination du procédé. Paradoxalement le relief a filmé principalement les psychologies intimes d’Obélix, celle d’Asterix et des autres qui, à travers les ages, et avec l’habileté de Laurent, ont été habitées par nos préoccupations quotidiennes d’aujourd’hui.
Ce petit miracle a été rendu techniquement possible par la potion magique… En voilà la recette :
Prenez deux « Alexa » et un module relief « P+S Technik », parez avec quantité de moteurs « CMotion », tous synchrones et un seul émetteur, câblez le tout. Embouchez avec deux zooms « Optimo Angénieux » 16/42 appairés, qui vous dispensent des laborieux changements d’objectifs et qu’on peut régler très exactement au même grossissement.
Merveille ! Après modification du module par Jean Chesneau, les filtres du zoom passent même au plus grand angle (16mm) sur toute la course de l’interaxial (120mm) et les corrections relief sont instantanées !
Placez le tout à feu continu toute la journée sous une Louma II et vous tournerez aussi rapidement qu’en 2D…
Stupéfaction visible des acteurs qui redoutaient toutes sortes de retards rebutants, dus aux lourds systèmes 3D d’une époque déjà révolue ! Gérard Depardieu, inquiet des rumeurs ou de quelques aventures précédentes, a remarqué surpris qu’on ne perdait pas de temps pour la 3D et nous en a fait part très gentiment, tout comme les autres acteurs.
Aussi, ils nous ont pardonné facilement quelques minutes de retard lorsque la pluie mettait à mal les circuits de correction, se collait au miroir ou que quelque méchante vibration avait décalé l’une des deux caméras.
Une autre bonne recette se mitonne avec un steadycam, le module Freestyle de Philippe Bordelais et des focales fixes (ultraprimes) sur deux autres Alexas. Cela permet même de poursuivre en courant les comédiens dans leurs derniers retranchements.
Une autre variante encore, place un second « freestyle » et ses deux zooms avec une tête « Fly-Head » ou une Weaver modifiée, placée en pendulaire sous une petite grue Felix ou encore sur un magnum pour les petits décors et les encoignures resserrées.
Un « splash bag » cousu sur mesure par Jean Chesneau, a permis un nez à nez à ras de l’eau avec les pirates qui barbotaient dans les bassins de Malte où on a pas pu s’empêcher de couler quelques bateaux en dur, accompagné d’une flottille de navires virtuels déclinés sur ordinateur par Duboi.
Beaucoup de plans sont tournés sans répétition pour garder la « fraîcheur » du jeu, pendant que le relief s’opère « à la volée » grâce aux extraordinaires Cinémonitors « Transvidéo » qui ne cessent d’évoluer en apportant de nouveaux outils.
Eh bien quoi, on est en numérique, on enregistre tout ! On ne sait jamais, et puis tous ces acteurs à l’imagination débridée sont soudain bien plus concentrés lorsque la caméra tourne. Ne laissons rien échapper !
Quelquefois même des cadrages se sont construits au dernier moment, sous l’œil de l’impassible Denis Rouden, suivant au plus près toutes les inventions des acteurs et le regard tendre et attentif du metteur en scène.
Avec de telles vedettes et des centaines de figurants, le relief ne pouvait que s’adapter à chaque instant et se réinventer au fur et à mesure. Maintenant on sait qu’en 3D aussi, une improvisation peut fonctionner en toute liberté !
Les producteurs indépendants (Fidélité) n’ont pas hésité à mettre à disposition à la fois ces trois « recettes » de prises de vues, confiées en permanence à des stéréographes gaulois tels que Thierry Pouffary, Joséphine Derobe, Hugo Barbier et Jean Chesneau. Chacun, ayant pris en charge l’un ou l’autre de ces modules, n’était en rien un « convergence puller » mais un véritable stéréographe, concerné par des décisions artistiques en fonction du scénario et des recommandations du réalisateur. En effet, les différentes équipes étaient parfois très éloignées les unes des autres.
Le rédacteur de ces lignes lui, tel un vieux druide souvent réfugié dans la caravane relief construite par T.S.F, et assisté de Mathieu Straub qui collectait les images de chaque équipe, travaillait dans le noir et dans le calme pour contrôler minutieusement toutes les images affichées en grand format. (En passant il affinait aussi ses propres recettes de potion 3D, pourtant déjà éprouvées, selon les particularités de ce tournage et de ce qu’il nous apprenait encore du langage relief). Semblable à celle d’une diseuse de bonne aventure, cette caravane semble avoir permis de lire aussi l’épaisseur du futur, en confirmant définitivement l’orientation du tournage vers la version relief. (On ne saura jamais si toutes ces relectures que chacun venait demander à Mathieu, étaient essentiellement motivées par la conscience professionnelle ou pour le plaisir de rire encore… )
En comptant la caméra de secours auréolée de gui, mais qui n’a guère eu l’occasion de servir, cela nous mène à un parc permanent de 7 caméras Alexa, quatre zooms Optimo, une série Zeiss, 6 ou 8 moteurs par module, tout cela fourni par TSF qui s’est équipé en permanence d’une logistique 3D très étudiée avec des visualisations en temps réel, ainsi que des relectures immédiates sur petit ou grand écran, et bien sûr toutes les sécurités qui s’imposent…
L’inventaire ci-dessus ne comprend même pas les deux caméras supplémentaires venues parfois se nicher côte à côte sous l’hélicoptère et une tête Fly-Head, et aussi un quatrième module intermittent avec des Phantoms pour ralentir les vols planés successifs des romains, des normands et de bien d’autres candidats à la lévitation dans l’espace.
Tout ce qu’il faut pour qu’un tournage 3D soit un tournage heureux et efficace parmi quelques centaines de personnes. Avec un humour ciselé au pixel près…
Les premiers jours de tournage, les chefs de postes étaient surpris et accédaient à nos demandes principalement par sympathie, pour nous faire plaisir. Puis petit à petit, tous se sont de plus en plus impliqués dans l’univers de la 3D à tel point qu’en lisant les déclarations du réalisateur et du directeur photo dans le journal de l’AFC, ou sur leur blog, on peut constater qu’en un seul film ils sont déjà sérieusement contaminés par le relief !
Je peux vous le confirmer, c’est irréversible, il n’y a peu de chance de guérison.
La 3D va certainement rebondir très fort avec ce film et doit beaucoup à tous ces acteurs qui ont prêté leur prestance et la beauté de leur volume, ainsi que la grâce de leurs gestes et de leurs attitudes : Catherine Deneuve, Valérie Lemercier, Charlotte Lebon, Gérard Depardieu, Edouard Baer, Guillaume Gallienne, Fabrice Luchini, Dany Boon, Vincent Lacoste, Niccolo Senni, Bouli Lanners, Gérard Jugnot, Almen Kelif, Jean Rochefort ainsi que beaucoup d’autres talents internationaux qui ne le cèdent en rien aux précédents.
Source : Sonovision

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