Rétro-scoop

Nouvelles du passé, compréhensions nouvelles :
Télévision : Mediawan rachète le Groupe AB

C’est une première brique, qui donne une indication assez nette sur la nature de l’édifice à venir. Mediawan, la société cotée créée par Xavier Niel, Matthieu Pigasse (actionnaires à titre individuel du Monde) et le producteur Pierre-Antoine Capton, a annoncé entrer en négociations exclusives pour acquérir Groupe AB, « le premier éditeur, producteur et distributeur indépendant de contenus en France »:

  • Les actionnaires d’AB, l’un des derniers groupes audiovisuels indépendants français, dont son fondateur, Claude Berda (53 %), et TF1 (33,5 %), ont accepté l’ouverture de ces négociations, en vue d’une acquisition du groupe pour 270 millions d’euros. Les actionnaires de Mediawan se prononceront sur cette opération le 13 mars.
  • Connu pour avoir produit, il y a un quart de siècle, la série phare Hélène et les garçons, comment le Groupe AB s’est-il imposé dans l’esprit de ceux qui ont scruté l’ensemble du paysage audiovisuel européen pour y déceler des cibles ? « Nous y avions pensé dès le premier jour, explique M. Capton, par ailleurs fondateur de 3e Œil Productions. Personne n’a la bonne perception de ce qu’est aujourd’hui le Groupe AB. La société s’est complètement transformée, elle produit des séries qui figurent au palmarès des meilleures audiences annuelles, comme Section de recherches ou Alice Nevers, le Juge est une femme. Elle a aussi commencé à produire des séries premium comme Zone Blanche pour France 2. »

Une vague de concentration :

  • Producteur d’environ quatre-vingts heures par an et détenteur d’un catalogue (Engrenages, Fais pas ci fais pas ça, Friends…) de douze mille heures de programmes, Groupe AB est aussi un éditeur de chaînes, avec 19 canaux comme RTL9, AB3 – « l’une des chaînes les plus puissantes en Belgique », souligne M. Capton –, Sciences et Vie TV ou AB Moteurs. « Nous allons retravailler ce portefeuille de chaînes, en « rebrander » certaines, réfléchir à des changements de thématiques », indique-t-il.
  • Présent dans les différents métiers de l’audiovisuel, Groupe AB est enfin une bonne affaire : la société a enregistré en 2016 un chiffre d’affaires de 158 millions d’euros pour un résultat d’exploitation (Ebitda) de 36 millions, et dispose de 30 millions de trésorerie. « Nous l’achetons avec un multiple à un chiffre [7,5 fois l’Ebitda], là où nombre de transactions récentes dans le secteur ont donné lieu à une multiplication à deux chiffres », se félicite M. Capton.
  • Un groupe non coté, familial, présent dans les contenus audiovisuels et financièrement attractif : l’engagement des fondateurs de Mediawan vis-à-vis des investisseurs qui les ont rejoints dans le Spac (Special Purpose Acquisition Company) créé en 2016 semble tenu. Pour autant, l’acquisition du Groupe AB n’est présentée que comme une première étape sur la voie de la création d’une « plate-forme européenne qui puisse répondre aux demandes de contenus de tous les opérateurs digitaux », explique M. Capton.
  • « Nous étudions d’autres cibles européennes dans les domaines de la production de séries, de la télévision, du cinéma et de l’animation, indique-t-il. Les négociations sont avancées avec quatre acteurs. Nous envisageons d’autres annonces dans les semaines qui viennent. » Après avoir levé 250 millions d’euros, les fondateurs ambitionnent de réaliser d’autres acquisitions dont le total cumulé dépasserait le milliard d’euros, grâce aux effets de levier. Ainsi, la moitié de l’acquisition du Groupe AB sera financée par un emprunt.

« UNE FORTE DEMANDE POUR LES SÉRIES EUROPÉENNES »

  • MM. Capton, Niel et Pigasse entendent plus que jamais mettre sur pied un groupe de contenus audiovisuels qui soit « un leader européen ». A leurs yeux, les dernières tendances du marché ont conforté cette vision. « Il y a une forte demande pour les séries européennes, analyse M. Capton. En 2016, les productions françaises ont supplanté les américaines dans le classement des meilleures audiences de télévision en France. Aux Etats-Unis, une série européenne comme The Young Pope rencontre un grand succès sur HBO. Nous voulons répondre à cette nouvelle demande. »
  • Le projet inclut-il la mise en place d’une plate-forme de SVOD ? « Rien n’est exclu », répond M. Capton. Le Groupe AB s’est déjà aventuré sur le terrain de la vidéo à la demande avec Jook Vidéo et s’est reconverti dans des services thématiques comme Action Max. En revanche, le projet Mediawan n’est pas un projet de presse et n’implique pas le Groupe Le Monde, dont MM. Niel et Pigasse sont propriétaires aux côtés de Pierre Bergé. « Il n’y a aucun lien entre les deux activités et les deux groupes sont totalement indépendants », rappelle M. Capton.

Le marché des contenus est porté par les investissements spectaculaires qu’y réalisent des acteurs comme Amazon ou Netflix pour nourrir leurs catalogues de vidéo à la demande (SVOD). Mediawan lorgne ce segment et s’inscrit dans un vaste mouvement de consolidation : fusion Shine – Endemol, acquisition par Vivendi de 26,2 % de Banijay-Zodiak, achat de Newen par TF1…
Source : Le Monde Janvier 2017
 

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