Rétro-scoop

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Coppola/Murch : une seconde jeunesse

"Pendant le montage, réalisé à San Francisco, avec l'aide du monteur associé Sean Cullen et de l'assistant au montage et spécialiste des effets visuels Kevin Bailey, Walter Murch et Francis Coppola ont épuré au maximum le film, …le processus de montage a duré six mois, dont deux effectués en Roumanie avec Coppola avant le bouclage du film". En fin de compte, l'utilisation de Final Cut Pro a constitué un avantage très significatif pour Walter Murch et son équipe, car elle leur a permis d'avoir une excellente vision du "pipeline" de post-production… A découvrir :

Après dix années loin des caméras, Francis Ford Coppola revient avec un type de film complètement différent et une approche radicalement nouvelle de la réalisation. Adapté d'une nouvelle de l'historien des religions roumain Mircea Eliade et tourné en Roumanie avec un budget très modeste, "L'Homme sans âge" imbrique une exploration poussée des notions de temps et de conscience au sein d'un thriller original et d'une histoire d'amour aux dimensions internationales.
Ceux qui attendaient un Parrain à la roumaine ("laisse tomber le revolver et dégaine ton gogoşi") risquent d'être déçus. En revanche, les véritables fans ne manqueront pas de vibrer devant le véritable opéra visuel que nous livre à nouveau Coppola : des scènes de la vie quotidienne portées au sublime par le cadrage et l'éclairage ; une interprétation magistrale, notamment de la part de Tim Roth, alias Dominic Matei, professeur vieillissant de linguistique rajeuni après avoir été frappé par la foudre ; enfin, la réalisation virtuose de plans et de séquences complexes. Le tout, parfaitement orchestré avec la bande sonore.
Après des décennies de travail sur commande aux seules fins de rembourser les dettes accumulées par ses ambitieux studios Zoetrope, Francis F. Coppola a trouvé le moyen de faire un film à son idée et selon ses propres choix. C'est son amie d'enfance Wendy Doniger, professeur d'études religieuses à l'Université de Chicago, qui lui a fait découvrir les travaux de Mircea Eliade. Lorsque son très ancien projet de film Megalopolis, sur une nouvelle utopie dans une New York d'un futur proche, a été anéanti par les événements bien réels du 11 septembre 2001, Coppola s'est intéressé à la nouvelle d'Eliade. "Soudain, je me suis dit : je peux en faire un film, se souvient-il. Je n'en parlerai à personne. Je vais juste m'y mettre."
Coppola reconnaît que, comme Dominic, le personnage principal, il était déconcerté par son incapacité à produire une nouvelle œuvre significative. "À 66 ans, j'étais frustré, se rappelle-t-il. Je n'avais pas fait un seul film en huit ans. Mes affaires prospéraient, mais ma vie créative était insatisfaite."
Son projet une fois prêt, Coppola a également décidé de revenir à un cinéma personnel auto-financé, à petit budget, le type d'engagement qu'il avait brièvement connu avant que l'incroyable succès du Parrain ne bouleverse le cours de sa carrière. Il a donc repéré des lieux de tournage en Roumanie, a engagé une distribution et une équipe technique en grande partie roumaines, dont le jeune cinéaste Mihai Malaimare Jr., et a fait équiper pour la technique un van Dodge Sprinter de deux caméras numériques Sony 900S, d'objectifs et d'autres équipements nécessaires à la création d'un véritable studio roulant.
Le tournage a débuté en octobre 2005 et a duré 85 jours. "J'ai toujours eu le sentiment, explique Francis Coppola, que si l'on travaille sur un film dont les thèmes vous intéressent, le simple fait de le faire vous permet d'apprendre. Lorsque j'ai lu cette histoire, je savais que si j'en faisais un film, j'apprendrais à exprimer les notions de temps et de rêve de façon cinématographique. Faire un film, c'est comme poser une question. Et, une fois qu'on a fini, c'est le film lui-même qui est la réponse."
Pour l'aider à forger une réponse aussi nette que possible, Coppola s'est adressé, pour le montage du film et le mixage sonore, à son collaborateur de longue date et lauréat de trois Oscars, Walter Murch. "Je lui demande toujours, précise Coppola. Le talent exceptionnel de Walter, c'est qu'il a réellement toutes les dimensions d'un cinéaste : c'est un écrivain, un réalisateur et quelqu'un de très créatif, qui perçoit toujours des occasions de mieux raconter l'histoire, de la raconter d'une façon plus efficace ou plus originale."
Comme Walter Murch était en train de terminer le montage de Jarhead – La fin de l'innocence pour Sam Mendes au moment où Coppola s'apprêtait à commencer le tournage, le réalisateur a fait un premier assemblage de L'Homme sans âge sur Final Cut Pro, en collaboration avec la monteuse roumaine Corina Stavila. "J'ai hérité d'un montage cut, explique Walter Murch. Les images avaient été tournées en HDSR 4-2-2 et ramenées en résolution DV parce que, en Roumanie, ils travaillaient sur une station Final Cut réduite à sa plus simple expression, avec tout juste quelques téraoctets d'espace de disque dur."
Walter Murch considère que l'utilisation de Final Cut Pro était "la seule option, vu le budget dont ils disposaient. Et puis, Corina connaissait Final Cut et Francis savait que je l'utilisais depuis Retour à Cold Mountain. Mais il ne m'a pas consulté sur le choix de la plate-forme. Il a simplement décidé de partir sur Final Cut Pro pour toutes les raisons qui font de Final Cut un outil si précieux."
Pour venir à bout des 170 heures d'images tournées par Coppola (le volume le plus important de rushes sur lequel Walter Murch ait jamais travaillé en solo), Walter Murch a décidé de tout passer au crible. "Corina a apporté ce premier montage à San Francisco et nous l'avons diffusé au cinéma Letterman de Lucasfilms. Ensuite, nous nous sommes réunis pendant quelques jours avec Francis, Corina et Osvaldo Golijov (le compositeur) pour discuter du stade auquel se trouvait alors le film et définir l'objectif que nous souhaitions atteindre. Puis, Francis s'est retiré pendant cinq semaines pour commencer la rédaction de son prochain scénario. Je me suis installé et j'ai fait comme s'ils étaient en train de tourner le film à ce moment-là. Chaque jour, je passais en revue à peu près cinq heures de rushes. J'avançais et je prenais des notes."
Walter Murch devait non seulement atteindre l'objectif souhaité par Coppola en ramenant le montage de trois à deux heures, mais également optimiser la clarté et l'équilibre du récit. "Il fallait essayer de contrôler la métaphysique dont la nouvelle est surchargée, explique-t-il. Il y avait tellement d'intrigues secondaires (bien plus que dans la version définitive) et les discussions métaphysiques étaient tellement plus longues et plus intenses, qu'il s'agissait de trouver le bon compromis : alléger le propos sans pour autant trahir l'esprit du film."
L'avantage décisif qu'apporte Final Cut Pro, c'est sa capacité à m^ler facilement les formats de données et de compressions"
Pendant le montage, réalisé à San Francisco, avec l'aide du monteur associé Sean Cullen et de l'assistant au montage et spécialiste des effets visuels Kevin Bailey, Walter Murch et Francis Coppola ont épuré au maximum le film, pour essayer d'en faire ressortir l'intrigue essentielle et les principaux éléments narratifs qui, au départ, avaient attiré Coppola vers cette histoire, tout en testant "le nombre de sauts métaphysiques qu'on pouvait opérer sans risquer de perdre le public". Le processus de montage a duré six mois, dont deux effectués en Roumanie avec Coppola avant le bouclage du film.
Pour avancer avec efficacité dans le montage, vu le flux de production DV dont il avait hérité, Walter Murch est d'abord resté en résolution DV. Et puis, alors qu'il approchait du montage final, il est passé à une version compressée en résolution HD 1080p. Enfin, Sean Cullen et Kevin Bailey ont créé la copie online au format 1080p 24 non compressé sur leur propre installation, avec cinq Mac exécutant Final Cut Pro via Xsan. La version online finale a ensuite été envoyée à Laser Pacific pour l'étalonnage couleur.
"Travailler au format 1080p 24 compressé nous a finalement permis d'avoir une représentation incroyablement fidèle de ce que nous faisions, estime Sean Cullen, car cette version était pratiquement indiscernable de la version online et elle offrait, en plus, une grande flexibilité pour se déplacer dans la timeline, mais aussi pour boucler et charger des éléments. Walter était très satisfait de la qualité de l'image du montage en vidéo."
Selon Cullen, "l'avantage décisif qu'apporte Final Cut Pro, c'est sa capacité à mêler facilement les formats de données et de compressions. Je crois que ce qui a vraiment bien fonctionné pour nous, et ce qui a fait de Final Cut l'outil de choix, c'est que nous avons pu utiliser intelligemment les ressources dont nous disposions sans être entravés par les restrictions arbitraires liées aux formats de données."
Dans la droite lignée des conditions de tournage du film, la stratégie de création des effets visuels a été décidée sur le vif. Walter Murch qualifie Francis Coppola de "réalisateur orienté processus", qui sollicite les contributions extérieures et prend ses décisions au gré des événements, contrairement aux "réalisateurs orientés résultats" qui créent un story-board de chaque plan, dans le moindre de ses détails.
"L'une des choses qui est apparue, c'est que, dans le scénario, les séquences de rêves étaient décrites entre parenthèses comme de teinte "violette". En fait, ce n'était qu'un raccourci employé par Francis pour indiquer que ces rêves devaient se distinguer de la réalité ordinaire, explique Walter Murch. Un jour, pendant le tournage, Francis a regardé l'un des moniteurs et s'est écrié : "tournons ce plan à l'envers". Comme c'était du numérique, il n'a pas été nécessaire de retourner physiquement la caméra : il suffisait d'inverser les images de façon électronique. C'est évidemment une chose que je peux faire dans Final Cut. Et que j'ai souvent faite."
Le spécialiste des effets visuels Kevin Bailey a pu créer 60 des 180 effets du film sur la suite de montage de San Francisco, en visualisant un aperçu dans Final Cut Pro et en effectuant la mise en œuvre finale dans Shake. "C'est UPP (United Production Partners), à Prague, qui a réalisé tous les types d'effets 3D complexes dont nous avions besoin, précise Walter Murch. Dès qu'il fallait ajouter de la neige, par exemple. Ou pour la création de l'avion survolant l'Himalaya. Des choses de ce genre. Le travail relativement simple, mais essentiel, a été effectué par Kevin dans nos propres installations." À l'aide de Shake, Kevin Bailey a pu gommer de façon numérique les intrusions inopportunes du XXIe siècle dans certains plans et multiplier les extras par le biais du compositing.
Sean Cullen note que l'intégration parfaite entre Final Cut Pro et Shake a été un atout déterminant, qui a permis de mener des expérimentations essentielles. "Kevin pouvait, par exemple, prendre la séquence que Walter venait de monter dans Final Cut Pro, l'ouvrir dans Shake en conservant l'étalonnage couleur, créer l'effet, en effectuer le rendu, replacer la séquence sur le serveur Xsan et rendre le tout à Walter en moins d'une heure. La possibilité de créer des effets visuels très complets dans la pièce d'à côté, pendant que s'effectuait le travail de montage, nous a permis d'expérimenter sur le plan artistique, tant il était simple de réaliser et de modifier les effets."
Walter Murch a également utilisé Final Cut Pro pour travailler le son avant de confier au designer sonore Pete Horner des fichiers Final Cut Pro dotés de 24 pistes audio. "Waltech intervient toujours énormément sur le son, explique Sean Cullen. Alors, nous lui avons remis un premier montage sonore complet, d'une qualité vraiment élevée."
En fin de compte, l'utilisation de Final Cut Pro a constitué un avantage très significatif pour Walter Murch et son équipe, car elle leur a permis d'avoir une excellente vision du "pipeline" de post-production.
"Dans les dernières étapes du montage, nous travaillions dans la résolution finale du film, explique Walter Murch. Si bien que la version finale du film, en dehors des aspects de correction de la couleur, est vraiment sortie de nos salles de montage sur Final Cut Pro. Dans ce cas précis, le "final cut" venait littéralement de Final Cut."
Prises numériques :
"Tourner en numérique avec la caméra Sony 900S, cela signifie que vous disposez de 58 minutes de cassette au lieu de 10 minutes de film, qui est la limite lorsqu'on tourne en 35 mm, explique Walter Murch. Pour un certain nombre de scènes, Francis a voulu qu'on reprenne à un stade antérieur de la prise. Il laissait la scène se dérouler jusqu'à un certain point et puis il disait, un peu comme un chef d'orchestre : "reprenons à la quatrième ligne." Alors, les acteurs se remettaient vite en place et refaisaient la scène à partir de ce point précis. Le résultat, c'est qu'on ne perdait pas l'élan émotionnel puisque les acteurs étaient toujours "dans" la scène. Vous avez peut-être déjà regardé des rushes : en général, lorsque le réalisateur dit "coupez", on perçoit presque de façon visible un soulagement général. Puis, les maquilleurs interviennent, les acteurs se dispersent et il faut régler l'éclairage. Alors, il est parfois difficile de se remettre dans l'ambiance de la scène pour la prise suivante. Quand on tourne en numérique, il est beaucoup plus facile d'aller jusqu'à un certain stade et puis de recommencer, parce qu'on ne craint pas d'être à court de pellicule."
> Boites à outils:
. Mac Pro
. MacBook Pro
. Moniteur Apple Cinema Display
. Architecture Xsan
. Final Cut Pro
. Shake
. DigidesignPro Tools
. Caméra numérique Sony 900S
> Générique :
Production, scénario et réalisation : Francis Ford Coppola
Production exécutive : Anahid Nazarian, Fred Roos
Cinématographie : Mihai Malaimare Jr.
Montage et réenregistrement : Walter Murch
Effets visuels : UPP Prague
Musique originale : Osvaldo Golijov
Collaboration au montage : Corina Stavila, Sean Cullen
Premier assistant au montage et effets visuels additionnels : Kevin Bailey
Source : Apple – Témoignage client

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